Mis au point par le texte du 4 avril 1949, le traité de l’Atlantique Nord eut pour premier objectif une défense du bloc de l’Ouest et plus précisément de l’Europe Occidentale dans le cadre de la Guerre Froide. L’OTAN était à l’origine un élément dissuasif pour endiguer la progression de l’influence de l’URSS en Europe. L’importance de l’établissement de cette organisation surfaça lors de la guerre de Corée en 1950. C’est dans le cadre que l’accélération de la mise en place de l’organisation se fit. En guise de représailles, le Pacte de Varsovie se créa en 1955 réunissant à son tour les pays du Bloc de l’Est. Ce qui demeure du moins intriguant est que l’OTAN ait une vie post Guerre Froide tandis que le Pacte de Varsovie est au point mort. Qu’est-ce que l’OTAN sans Guerre Froide ? Qu’en est-il de son avenir ?
L’OTAN : une organisation au point mort au vu de ses objectifs ?
Allocution fort controversée et médiatisée lors du 70ème anniversaire de l’OTAN, la prise de parole d’Emmanuel Macron au sujet de l’alliance militaire outre atlantique suscita beaucoup d’émoi. Selon le président de la République Française, l’OTAN est une organisation « en état de mort cérébrale ». La formulation, loin d’être anodine, pourrait suggérer la disparition du fondement de l’organisation ou de l’objectif premier de l’organisation. Si telle était bien son interprétation des faits pourrions-nous réellement le contredire ? Depuis la fin de Guerre Froide, il semblerait qu’une telle organisation n’aie plus aucun avenir et surtout aucun intérêt au vu du changement de paradigme survenu avec l’effondrement de l’URSS en 1991. Le bloc soviétique disparut et avec cela, l’ancien ordre mondial bâti sur deux puissances antagonistes (superpowers) arriva à son terme. Un tel effondrement laissa une superpuissance que nous connaissons aujourd’hui, les États Unis avec un PIB de plus de 21 000 milliards de dollars en 2020. En apparence avec la disparition de la « menace rouge », l’intérêt stratégique d’une telle organisation s’effaça. C’est donc pour cela que l’OTAN se transforme en une organisation supranationale ayant pour but la sécurité collective.
La fin de la Guerre Froide a ouvert la voie à un nouvel ordre mondial où l’ex URSS cessa de représenter une menace. En revanche, l’invasion de 2014 du Donbass et plus précisément de la Crimée pointe du doigt les velléités expansionnistes de la Russie dans son dit « étranger proche » ainsi que la nécessité de l’OTAN. La Russie est donc vue comme un pays qui n’hésite pas à empiéter sur les pays voisins qui ont un plein droit de souveraineté sur leurs territoires respectifs. C’est exactement cet évènement qui met le feu aux poudres entre l’OTAN et la Russie et l’escalade des tensions commença donc. La Russie estimait et estime toujours qu’elle a un droit de regard stratégique sur les opérations de son étranger proche. Or, de l’autre côté, l’OTAN juge ces actions comme étant illégitimes, enfreignant au droit international. D’un point de vue occidental, l’action russe est celle de l’expansionnisme et de l’offensive. La Russie ne cesse d’expliquer que sa posture est uniquement défensive, car elle répond à la nécessité de protéger la Russie contre un éventuel encerclement militaire. La Russie continue donc de voir l’OTAN comme une organisation qui vise son territoire d’autant plus que cette dernière a promis à la Géorgie et l’Ukraine l’ouverture de ses portes dès 2008, La Russie juge l’Europe Centrale et Occidentale comme étant très atlantiste. La possible adhésion de l’Ukraine à l’OTAN effacerait en conséquence une zone tampon entre la Russie et l’OTAN.
L’article de Mathieu Boulegue sur Diploweb intitulé La relation Russie Otan : entre le marteau et l’enclume souligne bien cette relation conflictuelle entre d’une part la Russie et l’OTAN d’autre part. Cet antagonisme découle de l’existence de visions du monde qui demeurent concurrentielles voire opposées. Dans ce contexte précis, la compréhension mutuelle est un leurre. Boulegue indique bien que la relation Russie OTAN soit en quelques sortes coincée dans un entre deux, aucun des acteurs n’a intérêt à une confrontation directe ni à une coopération. Règne donc un sentiment de nouveau normal où la relation ambiguë entre les deux acteurs prend le pas.
Si l’on se tient à une vision russe de l’organisation, l’OTAN n’a plus lieu d’être. En observant de près les actions de l’OTAN, il est possible de dire que l’organisation continue à avoir une utilité aujourd’hui. Les capacités de l’OTAN en matière de sécurité collective et de gestion de crises et risques ont été prouvées à plusieurs reprises depuis la Guerre Froide notamment lors de son intervention au Darfour (dès 2005) et dans le Golfe d’Aden au large de Corne d l’Afrique afin de lutter contre la piraterie (Operation Ocean Shield depuis 2008). Souvent, dans le cadre de ses interventions, l’OTAN coopère étroitement avec l’ONU. Ceci fut notamment le cas, pour l’opération de soutien de la paix au Kosovo (résolution 1244 du Conseil de Sécurité de l’ONU pour mener une opération coordonnée avec l’OTAN) ainsi que pour l’objectif de la sécurité collective dans le Golfe d’Aden. Suite à la signature d’une déclaration par les secrétaires généraux de l’ONU et de l’OTAN, un cadre de coopération structuré a été mis en place entre les deux organisations internationales.
L’OTAN, une organisation divisée
L’OTAN est devenue une organisation internationale et internationalisée intervenant dans de nombreux lieux. L’organisation a su se reconstituer et s’organiser autour d’une nouvelle série d’objectifs mais des antagonismes profonds continuent à sévir au sein de l’organisation, nous invitant donc à nous interroger sur sa possible continuité.
Les contributions financières :
L’existence de l’OTAN est assurée par les contributions financières des États membres. En effet, cela représente un engagement financier de grande taille pour les pays membres. Chaque allié doit contribuer à hauteur de 2% de son PIB annuellement. Malheureusement, cette promesse n’a pas pu être tenue par tous les membres de l’organisation. En 2017, Donald Trump exprime encore une fois l’insuffisance des contributions faites par les autres pays membres. A ce moment-là, uniquement 5 pays faisaient leur part. Cette donnée a été pointée du doigt par Trump à de nombreuses reprises. Il affirme de manière véhémente que l’OTAN représente un réel fardeau économique pour les États Unis. Aujourd’hui le budget militaire annuel correspond à environ 1000 milliards de dollars, avec les États Unis comme premier contributeur à ce dernier. Ils représentent à eux seuls près de 80% des dépenses totales de défense des pays membres de l’OTAN. La situation est lentement en train de s’améliorer. En 2019, 9 pays ont réussi à atteindre l’objectif des 2% du PIB.
Les interventions :
Une attaque à l’encontre d’un allié est considérée comme une attaque contre tous. Le fameux article 5 est la pierre angulaire d’une telle stratégie. Il prévoit que les Alliés viennent au secours d’un État dans le cas où il est attaqué. La solidarité militaire est donc au cœur de l’organisation. Dans toute l’histoire de l’OTAN, l’article 5 n’a été invoqué qu’à une seule occasion suite aux attentats du 11 septembre 2001.L’OTAN a ici mené sa première opération antiterroriste, prénommée « Eagle Assist ».
L’utilisation de cet article est devenue particulièrement difficile au sein de l’organisation étant donné les oppositions existantes entre les États membres, et la difficulté de faire un front commun. Par exemple, il est évidemment d’autant plus difficile aujourd’hui de venir en aide à la Turquie dans le contexte de la guerre en Syrie. En novembre 2019, la Turquie a mené de nombreuses opérations au nord de la Syrie. Selon le droit pénal international, il s’agit de crime d’agression. Si la Syrie devait lancer une réplique à la Turquie, et si la Turquie invoquait l’utilisation d l’article 5, il serait difficile de prévoir si l’OTAN prendrait l’initiative de venir en aide à la Turquie. C’est exactement cette difficulté qui a été soulevée par Emmanuel Macron en décembre 2019.
Au-delà du principe de solidarité militaire entre les alliés, un autre problème clé au sein de l’OTAN et cela concerne notamment la persistance de la vision binaire voire polarisée des relations internationales. Si l’on se contente de voir ses interventions et les opérations militaires depuis 1949, celles-ci sont surtout concentrées en Europe à l’exception des interventions en Méditerranée et en Afrique. Le continent asiatique semble être complètement oublié par l’OTAN. Cet oubli est assez problématique dans la mesure où les enjeux stratégiques et les grands enjeux se déplacent vers l’Asie. C’est notamment le cas des tensions en mer de Chine Méridionale (revendication de la souveraineté sur cette mer par lequel plus de 30% des transports maritimes mondial transite, tensions entre la Chine et le Vietnam au sujet des Paracels depuis 1974, ligne des 9 traits et la convention de Montego Bay de 1982…), où l’OTAN pourrait déployer ses forces pour faire par exemple faire régner la souveraineté et le droit.
La nature multipolaire des relations internationales du XXIème siècle démontre le besoin pour des coopérations et des alliances à l’échelle mondiale. L’OTAN est donc toujours nécessaire pour assurer ses fonctions de protection et est donc loin d’être en état de mort cérébrale. La question sur l’avenir se posera à chaque grand anniversaire de l’OTAN, mais l’organisation survivra si elle continue à s’appuyer sur ses réelles forces qui sont celles du consensus et de l’unité. Pour continuer à apparaître comme un acteur fiable pour la résolution des conflits internationaux, il incombe à l’OTAN de se réorganiser et de se restructurer. Camille Grand, assistant Secrétaire Général de l’OTAN, explique que pour que l’organisation puisse être toujours efficace dans les années à venir, il faut qu’elle qu’elle s’appuie sur sa capacité d réaction, d’adaptions et modernisation afin de refléter les intérêts communs des alliés » (« NATO’s relevance in 10 years will rely on its ability to continue to react, adapt, modernize and reflect the common interests of the allies.).
Sources :
https://www.nato.int/cps/en/natohq/132885.htm
https://www.leconomiste.com/article/1053956-un-sommet-pour-discuter-de-l-avenir-de-l-otan
https://www.la-croix.com/Journal/Larticle-5-pierre-angulaire-lOtan-2018-07-11-1100954116
https://www.nato.int/cps/en/natohq/opinions_172906.htm
https://geographical.co.uk/geopolitics/item/3643-the-future-of-nato-an-alliance-under-strain