Enseignant la culture générale chez MyPrepa après avoir brillé aux concours 2014 (19 à HEC, 18 à l’ESSEC), Ken Lecoutre nous dévoile ici comment aller chercher les références qui feront la différence dans une dissertation.
La méthode de la dissertation parfaite
L’Espace, la Vérité, la Nature, la Parole, le corps puis enfin la mémoire… Cela fait donc la sixième année consécutive que je rédige une « Dissertation Parfaite » (DP) sur le thème de culture générale, et 5 que j’en conçois exclusivement pour un petit groupe d’élèves de Myprepa. Le principe d’une telle dissertation est d’être construite de sorte à ce que sa structure s’adapte à tous les sujets. Ainsi, il ne reste à mes élèves qu’à apprendre et maîtriser sur le bout des doigts les idées et références de cette unique dissertation, et connaître les subtilités de la « méthode de l’adaptation » qui va justement donner au correcteur l’effet nécessaire pour décrocher la note maximale : « waouhh cette copie est en plein dans le sujet »… alors qu’il s’agit d’une réflexion générique mais brillamment adaptée !
Si cette méthode a fait ses preuves en apportant chaque année à mon groupe d’élèves des résultats à l’épreuve de CG très supérieurs à la moyenne nationale, elle permet surtout à ceux qui maîtrisent à fond la méthode de l’adaptation de briguer des 19 ou 20 avec une probabilité très supérieure et pour un temps de préparation bien inférieur à celui d’un bon candidat de prépa qui miserait sur l’apprentissage du cours de son prof et de quelques livres comme principal axe de préparation aux concours. Bref, la méthode de la dissertation parfaite est une méthode sous stéroïdes de préparation à l’épreuve de culture générale.
Le hic, c’est que préparer une telle DP prend beaucoup de temps. Il faut d’abord construire une trame et tester son plan pour que l’enchaînement des idées soit valable sur tous les sujets possibles. Pour avoir déjà écrit une DP chaque année depuis 6 ans, je sais que c’est cette phase de construction de la structure qui prend le plus de temps de réflexion, et là dessus, il n’existe pas vraiment de raccourci : chaque année, il faut se replonger à fond dans un nouveau thème et en découvrir la substantifique moelle, problématiser à fond chaque aspect du thème, lier ces aspects entre eux, etc.
Ensuite, il faut évidemment trouver les bonnes références pour illustrer chaque idée car la qualité, l’originalité et la diversité des références est un facteur différenciant entre un candidat lambda et un candidat hyper préparé (typiquement, comme ceux de mon groupe d’élèves). Votre aisance pour trouver des références uniques, des « pépites » est quelque chose de très personnel. Par exemple, je suis un lecteur acharné de sciences humaines et de neurosciences. J’ai donc en tête un panel très large de références sur ces disciplines qui touchent par nature à de nombreuses questions « philosophiques », d’où ma facilité à trouver chaque année un grand nombre de pépites relatives au thème de l’année.
Pour autant, des préparationnaires qui n’ont pas pu intégrer mon groupe d’élèves (limité à 20 personnes) viennent régulièrement me demander des conseils pour construire leur propre dissertation eux-mêmes, et il semblerait que leur angoisse majeure vient de ce travail de recherche de références. Comme je l’ai dit, cela ne devrait être qu’une préoccupation de second ordre, mais elle est compréhensible. C’est pour ça que je vais vous dévoiler aujourd’hui une façon stratégique d’approcher cette recherche des références, afin que vous puissiez passer moins de temps là-dessus et davantage sur ce qui compte vraiment et qui peut vous prendre plus d’une centaine d’heure de travail : la construction de la trame argumentative.
Trouver ses références
En termes de références concrètes pour réaliser cette étape, il n’existe pas d’ouvrage obligatoire. Il s’agit de rester agile, curieux et de laisser dans une certaine mesure agir le principe de sérendipité. Très concrètement, cela peut commencer par une recherche sur internet, ou la lecture d’un ouvrage généraliste sur le thème qui va vous servir de point de départ. L’idée est ensuite d’être hyper curieux et d’effectuer des sauts de puce d’une idée à une autre, d’une référence à l’autre.
Par exemple, lorsque que je préparais la DP sur le thème de la nature, je suis parti de deux ouvrages de mon philosophe préféré sur ce même thème : Le Paradigme perdu, la nature humaine, et La Méthode, tome 1 : la nature de la nature, d’Edgar Morin.
Il est intéressant de noter que bien qu’ayant commencé mes recherches par ces ouvrages, je ne les ai même pas utilisés en tant que tels dans ma DP finale. En revanche, toute la trame argumentative, la logique de la DP et l’idée d’une complexité agissante au cœur des mécanismes de la nature provient directement de la lecture du second. De plus, ce même livre, et c’est très souvent le cas dans les œuvres de sociologues, d’anthropologues ou de scientifiques, avait l’avantage d’être très fortement référencé. C’est à dire que pour chaque idée, pour chaque théorie utilisée pour la démonstration du livre, était cité un autre scientifique, un autre philosophe, ou un artiste particulier.
Ainsi, la stratégie des sauts de puces consiste par exemple à partir d’un ouvrage généraliste comme celui d’Edgar Morin. À un moment, celui-ci va citer l’idée particulièrement intéressante d’un certain G. Bateson. Je vais entrer « Bateson + mon thème » sur Google Books, et trouver 2 livres de Bateson qui vont m’intéresser, lire les passages qui m’intéressent et ainsi de suite.
L’important à ce stade est de ne pas commencer par un livre d’opinion, ou proposant un système philosophique clos (qui correspondent aux thèses de partie I comme nous le verrons à l’étape suivante). Il faut bien commencer quelque part, mais rappelons que vous n’aurez jamais le temps de lire un trop grand nombre de livres complets sur le thème, même si vous vous y prenez bien à l’avance… Donc exit les philosophes officiels, les Socrate, Aristote, Freud, Heidegger, Kierkegaard, Nietzsche et compagnie : aussi reconnus soient-ils, votre réflexion s’enfermerait dans leurs systèmes. De même, oubliez l’idée de lire les ouvrages en entier. Il ne faut pas hésiter à scanner, à passer les passages qui vous semblent longs, ou qui ne font que démontrer ou appuyer une idée. Votre recherche ne sera efficace que si vous savez d’avance quelle idée (quel attribut du thème) vous chercher à illustrer.
Commencez donc par un ouvrage généraliste ou bien dont vous savez à l’avance que la thèse sera d’une complexité et d’une puissance suffisante pour orienter toute votre réflexion et vous donnera un bon aperçu général des enjeux du thème. Il serait impossible de donner une liste précise d’ouvrages qui répondent à ces critères car cela dépendra bien évidemment du thème de votre année de concours.
Quelques bonnes adresses
Personnellement, voici les sources que j’utilise pour alimenter mes recherches de références :
- Google books. Entrez vos mots clés, et Google vous fera lire une sélection de pages qui contiennent ces mots clés dans sa bibliothèque d’Ebooks et de documents pdf. Il y a parfois de très bonnes surprises, et la fonction recherche permet de scanner le livre en trouvant directement les passages qui vous intéressent concernant le thème. Ça vous évite d’avoir à lire tout le livre, ce qui est assez heureux étant donné la contrainte de temps inhérente à la prépa. Pour une recherche efficace, vous devez en revanche savoir à l’avance quel aspect du thème vous voulez faire ressortir, ce qui suppose d’avoir bel et bien construit la trame argumentative de votre DP à l’avance. Apposez alors l’attribut particulier du thème sur lequel vous recherchez une illustration.
- Les forums de philo. Le web francophone est gorgé de forums de discussions très actifs où des utilisateurs dévoués se feront un plaisir de vous recommander des lectures originales. Parmi mes préférés, le forum liberté-philo pour sa réactivité.
- Les magazines spécialisés. Il n’est pas impossible que vous trouviez un numéro thématique de Philosophie Magazine qui puisse vous intéresser. Allez faire un tour sur leur site pour voir, il y a aussi de bons articles référencés de façon parfois assez originale.
- Les bonnes copies des années précédentes. Comme nous l’avons déjà évoqué, réinterpréter sous l’aune d’un nouveau thème, les réflexions d’un thème précédent peut être une stratégie payante. L’avantage c’est que le paragraphe sera déjà rédigé en format « concours », et si vous cherchez des pépites à 19 ou 20, il se peut que vous tombiez sur des références très originales. Ainsi, la référence de Karen Blixen, qui est devenu une sorte de marque des dissertations parfaites depuis des années, m’a servi sur l’espace, la vérité, la nature et la parole, alors que je la tiens de la dissertation d’Alexis Chevalier… sur la société ! L’astuce résidant dans le fait que son œuvre (le livre puis le film qui en est inspiré) donne un large panel d’interprétation possible, avec toujours une même idée centrale : on humanise les êtres par le partage (de gastronomie en l’occurrence). Soyez donc friands de ces bonnes copies, vous pourriez y trouver de vraies perles. Pour trouver des bonnes copies de concours, vous avez des ouvrages, quelques copies sur le net ça et là mais rien ne remplace les analyses faites par des pédagogues : vos professeurs de prépa ou dans des instituts comme MyPrepa, par exemple.
J’ai tendance à éviter les ouvrages qui proposent des paragraphes tout prêts, comme le 20 dissertations et autre. Leur gros défaut étant justement de tuer l’originalité des exemples qu’ils dévoilent au grand public. La puissance d’une référence est proportionnelle à la pertinence de son idée dans le contexte de votre dissertation et inversement proportionnelle au nombre de fois où le correcteur l’aura rencontré dans les copies de vos concurrents. Il y a fort à parier qu’un correcteur un peu fatigué, après avoir lu une cinquantaine de paragraphes faisant l’éloge d’un Camus ou d’un Aristote, se passe de lire votre cinquante et une-nième analyse, aussi fine ou originale puisse-t-elle être ! En revanche, si par chance, vous développez une analyse pertinente au sujet d’une œuvre dont cet agrégé de philo ou de lettres n’aura jamais entendu parler, vous piquez sa curiosité, lui apprenez quelque chose et faites forte impression : vous prouvez ainsi que votre culture générale sort des sentiers battus.
Misez sur la diversité
La notion clé à garder à l’esprit se nomme diversité. Une bonne dissertation de culture générale ne se cantonne pas à des références littéraires et philosophiques. Selon votre thème, pensez aussi à toute sortes d’arts et de techniques : la musique, le cinéma, la danse, l’architecture, le paysagisme Zen, la gastronomie, la poésie, la sculpture, le cirque, le mime, la photographie, la parfumerie, la mode…
Voyagez dans l’espace et dans le temps. Recherchez ce que disent de votre thème les cultures et spiritualités exotiques. Trouvez des références en apposant votre thème avec « aztèques », « aborigènes », « Inuits », « shintoïsme », « cabale » sur Google, et là encore, laissez-vous guider par saut de puces, vers une référence que vous approfondirez. De même, n’opposez en aucun cas les sciences et la philosophie ! On pense bien sûr aux sciences dites « humaines », mais il s’agit de comprendre que toute science est humaine, et que même les sciences dures racontent l’histoire d’une culture. Nous rions aujourd’hui des paradigmes scientifiques et médicaux du siècle de Molière, et ainsi en sera-t-il peut-être de la physique quantique dans quelques générations ! Les penseurs épistémologiques, qui s’intéressent aux fondements idéologiques et aux axiomes des méthodes scientifiques parcourent ainsi un large panel de sujet.
En accord avec ce principe de diversité, il est bon de vérifier que votre dissertation ne tourne pas entièrement autour d’une ou deux disciplines, avec seulement des exemples tirés du cinéma et d’autres tirés de la peinture par exemple… Essayez d’avoir au moins un exemple d’art premier (musique, peinture, sculpture), un exemple d’art secondaire ou original (danse, cinéma, parfumerie), un exemple scientifique, un littéraire… Imaginez votre chance si votre correcteur s’avère être un œnologue amateur, et que vous décidiez, sur le thème du corps, ou encore du temps ou de la vérité, de reprendre les belles phrases du Dictionnaire Philosophique et Subtil du vin de Thierry Tahon !
Conclusion
Souvenez-vous de la stratégie des sauts de puce : si un auteur en cite un autre que vous ne connaissez pas, ayez la curiosité de faire une petite recherche, on ne sait jamais…
Ensuite, vérifiez la diversité des références que vous avez trouvées est suffisante : au moins un exemple artistique noble, un art secondaire, de la science, de la littérature, de la philo mais pas trop etc.
Enfin, gardez à l’esprit que la différence majeure entre la méthode de la dissertation parfaite et la simple « méthode des paragraphes » tient dans la puissance de la réflexion préalable sur le sujet qui est compactée dans la trame de votre DP. Trouver des références n’est qu’une étape secondaire dans la méthode de la DP. C’est pour ça que de préparer et rédiger une DP prend autant de temps (entre 4 et 6 semaines à temps plein, il vaut mieux s’y prendre pendant les vacances d’été entre la première et la deuxième année). Le corollaire de cet investissement en temps préalable est que vous serez capable de délivrer une réflexion bien plus dense et savamment présentée que n’importe quel autre candidat qui doit développer une réflexion ex-nihilo depuis le sujet qu’il a en face des yeux…