Les sources indispensables (et quelques autres …)
Les vacances de la Toussaint sont maintenant passées et celles de Noël approchent. Un constat s’était imposé en octobre – novembre : vous avez, au fond d’une obscure pochette écornée, une liasse informe de polycopiés, de feuilles volantes et autres notes illisibles, d’où se distingue à peine les mots “géopolitique” et vous ne savez pas quoi en faire. Pendant deux semaines, entre les exercices d’algèbre, vos thèmes et versions, la lecture passionnée des Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes ou Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? de Paul Veyne, vous aviez, de temps à autre, jeté un coup d’oeil effrayé vers cet amoncellement indigeste, que vous osez à peine appeler “cours d’HGGMC”.
Pourtant, le premier concours blanc approche voire est peut-être déjà derrière vous, les premières khôlles sont déjà passées pour certains d’entre vous, certainement aussi les premiers devoirs sur table de l’année. Bref, il est urgent de transformer ce “tas barbare” en un cours propre, classé, hiérarchisé et surtout maîtrisé. Le must serait de faire de l’HGGMC une de vos matières fortes, celles qui pourraient vous transporter vers cette contrée luxuriante, légendaire, de Jouy-en-Josas. Avec des connaissances en géopolitique assimilées et réutilisables dans les différents exercices de la matière, c’est tout à fait possible.
Comment s’y prendre, comment apprendre son cours de géopolitique ? Quelles sont les sources indispensables ?
Les conseils et astuces qui suivent sont tirés de l’expérience personnelle d’un ancien préparationnaire ECS qui prétend beaucoup de choses, sauf posséder la science infuse. Autrement dit, ces recommandations ne valent pas mieux que d’autres. Elles peuvent, parfois, diverger de la pédagogie habituelle de MyPrepa. Mais il s’agit justement de notre but : vous montrer plusieurs méthodes qui fonctionnent, à vous de vous approprier celle qui vous convient.
La première de ces sources : votre cours, encore votre cours et toujours votre cours.
Il doit être su parfaitement. Par coeur ne suffit pas. Il doit être connu certes, mais surtout, vous devez être capables de le ré-investir dans vos copies, au bon moment.
Le mythe du “cours inutile”
Dissipons immédiatement un malentendu : les mouvements d’orgueil dans le style “ mon prof est nul, son cours ne sert à rien, je travaillerai cette matière par moi-même” sont à bannir. Votre enseignant peut tout à fait être mauvais pédagogue et superflu dans son propos. Il n’en demeure pas moins agrégé d’histoire et ou de géographie, docteur de l’un ou de l’autre, normalien et ou science-piste. II ne s’agit pas de glorifier vos enseignants mais de leur reconnaître un minimum de compétences. Trop souvent, j’ai entendu des étudiants tirer à boulets rouges sur la qualité du cours de leur professeur … Pour finalement se ridiculiser en khôlle ou en dst.
Donc, il y a toujours des connaissances utiles dans le cours dispensé en classe. Cet article vous propose justement des pistes pour repérer ces éléments et les maîtriser. Si, bien que ce soit en réalité assez rare, quelque chose manque dans votre cours, ce papier vous fournira des outils pour le compléter. Condamner d’avance l’enseignement de votre professeur et chercher à le reconstruire par vous-mêmes est une stratégie risquée. Elle a peu de chances d’aboutir et surtout, se révèle chronophage. Or, le temps est une ressource en crise en classe préparatoire HEC.
Que faire d’un cours reçu en classe ?
D’abord, lorsqu’il vous est donné, deux stratégies sont possibles. Pour les plus clairvoyants d’entre vous, notez uniquement ce qui vous paraît important, ce qui vous parle, ce qui vous intéresse, de façon à produire immédiatement des fiches très courtes et structurées.
Pour les autres qui, comme moi, ne parviennent pas à cerner à chaud ce qui est important ou ce qui ne l’est pas, notez un maximum de choses voire tout si possible. Lorsque la séance s’achève, décortiquez les informations abordées en retenant :
- 1 à 5 dates.
- 1 à 5 concepts et leurs définitions.
- 1 à 3 personnages ou organisations
- La ou les problématiques abordées.
- Les grands axes de la séance.
Ces données sont à répartir dans des carnets, un par grande partie des modules au programme de la façon suivante :
- Chronologie (jusqu’à 30 dates maximum)
Pourquoi la chronologie en première ? Je suis apprenti historien, on ne se refait pas… En vérité, placez les rubriques dans l’ordre qu’il vous convient.
- Problématiques et leurs grands axes de réflexion.
Concepts et leurs définitions : mon professeur de géopolitique en deuxième année avait coutume de dire que les concepts permettaient de communiquer avec les “indigènes de Jouy-en-Josas”. Une façon amusante d’expliquer qu’ils sont essentiels.
- Personnages, organisations, lieux : leur histoire et fonctions résumées en 3 à 5 lignes.
Si l’un de ces éléments n’a pas été abordé dans le cours du jour, ce n’est pas grave, n’en recherchez pas davantage. Vous aurez bien assez de connaissances à l’issue des deux années. À ce propos : vos carnets vont rapidement comprendre trop de connaissances. Dégraissez-les régulièrement en enlevant le superflu. Le superflu est ce qu’on ne peut investir dans plusieurs sujets ou exercices, ce qui est trop pointu, ce qui relève de l’anecdote. Un petit exemple :
SUPERFLU => 1876 : la reine Victoria (1827-1901) devient “Impératrice des Indes”. Cette date peut servir à illustrer l’ancienne puissance britannique sur le monde et encore, d’autres seraient plus marquantes.
ESSENTIEL => 1947 : discours à Harvard du secrétaire d’Etat américain, George Marshall, annonçant le European Recovery Program.
L’Organisation Européenne pour la Coopération Economique (OECE), créée à cette occasion, est chargée de répartir ses 13 milliards de dollars entre les différents pays européens, de 1948 à 1952. Cette aide est destinée à financer la reconstruction européenne à l’issue de la Seconde Guerre mondiale et à contrecarrer le communisme. Elle est en effet proposée aux pays d’Europe centrale et à l’URSS – qui la refuse et fait pression sur les nations est-européennes pour qu’elles déclinent l’offre – ainsi qu’au Portugal et à la Turquie. Ces deux Etats n’avaient, pourtant, peu ou pas été touchés par le second conflit mondial. Les Américains craignaient que les difficultés économiques à l’issue de la guerre ne poussent certains pays dans les bras du communisme et donc, dans le giron soviétique ( “les germes des régimes totalitaires sont nourris par la misère et le besoin” Harry S.Truman devant le Congrès des Etats-Unis, le 12 mars 1947).
La date du Plan Marshall peut être utilisée dans divers sujets : la construction européenne (puisqu’il est à l’origine d’une des premières organisations régionales du Vieux Continent), la puissance et l’influence américaine après la la Seconde Guerre mondiale, les prémices d’une bipolarisation du monde qui se dessinent, etc.
En outre, iI est absolument nécessaire d’apprendre les informations recueillies lors d’un cours dans la journée ou, au moins, la semaine dans laquelle il a été dispensé :
- Pour ne pas être débordé(e)
- Parce que la régularité est primordiale pour progresser.
- Pour éviter d’avoir à “avaler” les connaissances à l’approche d’une khôlle ou d’un dst. Autrement dit, en apprenant régulièrement, vous n’avez pas besoin de préparer vos khôlles et dst. True story.
Comment le faire ? Personnellement, lorsque j’étais en prépa, ma fin de journée ressemblait à ceci :
- 2h à 2h30 de maths
- 1h30 de géopolitique
- 30 minutes de langues
- 30 minutes de culture générale.
Tout cela est bien évidemment modulable selon le contenu de vos cours et votre emploi du temps. Si vous avez des heures de libre dans la journée, répartissez-y ce programme, s’il vous convient. Je précise, qu’étant passionné d’HGGMC en prépa, j’avais tendance à trop travailler cette matière.
Votre profil détermine aussi les variations de ce programme : vous pouvez faire en moyenne 2h30 de maths, 1h de géopolitique et 1h de langues (en alternant LV1 et LV2 chaque jour, et en passant à 1h30 si vous êtes en grande difficulté). Quant à la culture générale, vous pouvez n’en faire que 3h par semaine, avec une ou deux séances le week-end, surtout si vous optez pour la méthode des paragraphes ou le travail de la dissertation parfaite.
Les sources complémentaires : autour du cours, elles lui sont subordonnées
La presse
Vos exemples et chiffres doivent être actualisés sous peine de ne servir à rien. La force de cette matière, c’est son éclairage des grandes questions contemporaines. Une capacité indispensable aux managers de demain et impossible à acquérir sans donnée récente. La consultation régulière de la presse permet de satisfaire cette exigence. Deux stratégies sont possibles :
- Effectuer une veille hebdomadaire : parcourez les nouvelles politiques et économiques de la semaine, retenez-en 2 ou 3 dans une fiche dédiée ou dans vos carnets. L’opération doit durer 20 minutes maximum.
- Consulter la presse spécialisée mensuelle ou bi-mensuelle. Au moment des vacances, parcourez les articles et retenez ce qui peut y être utile. Ré-investissez la méthode décrite plus haut pour décortiquer un cours.
– > Dans les deux cas, examinez attentivement les cartes. Elles sont idéales pour préparer le commentaire des Ecricomes ou l’épreuve d’admission de Grenoble voire glaner quelques idées pour le croquis.
Quelques titres :
- Le Monde (quotidien)
- Le Figaro (quotidien)
- Le Monde diplomatique (mensuel)
- Carto, le monde en cartes (bi-mensuel)
- Conflits (bi-mensuel)
- Diplomatie (bi-mensuel)
Être en classe préparatoire HEC, c’est aussi l’art de faire les choses vite et bien. Dès lors, l’astuce réside dans la consultation de la presse anglo-saxonne pour trouver ses exemples de géopolitique et travailler son anglais :
- The Diplomat
- The Economist
- Foreign Affairs
Quelques sites utiles
- Pour parfaire les définitions de concepts, le glossaire de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon constitue une véritable mine : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire
- Pour s’entraîner à la cartographie :
- La cartothèque de Sciences Po Paris : http://cartotheque.sciences-po.fr/
- Pour apprendre sa géographie mondiale de façon ludique : https://online.seterra.com/fr
- Pour vérifier ses chiffres, quelques bases de données :
- la Banque mondiale : https://donnees.banquemondiale.org/
- l’Organisation pour le Commerce et le Développement en Europe (OCDE successeur de l’OECE depuis 1961) : https://data.oecd.org/fr/
- Si les précédents titres de presse vont ont repoussé, voici un site spécialisé en géopolitique, fondé par un professeur en classe préparatoire HEC, Pierre Verluise : https://www.diploweb.com/. Ce site produit régulièrement des synthèses de l’actualité internationale dont voici la dernière en date : https://www.diploweb.com/Synthese-de-l-actualite-internationale-d-octobre-2019.html
Les manuels
Je considère qu’avec un cours bien maîtrisé et une actualité suivie efficacement, vous avez ce qu’il vous faut. Cependant, de bons manuels et compendiums demeurent des outils d’appoint appréciables :
- La collection classique : descriptive, elle permet de pallier des carences de culture historique ou géographique. En revanche, elle n’est pas idéale pour mettre en perspective un sujet.
- Baby-Colin V., Chevalier J. (dirs), Géopolitique des Amériques, Nathan, 2017, 384p.
- Balaresque N., Oster D. (dirs), La Mondialisation contemporaine – Rapports de force et enjeux, Nathan, 2017, 384p.
- Bonhomme N., Grevet J.-F.(dirs), Les Grandes Mutations du Monde au XXe siècle, Nathan, 2017, 384 p.
- Colin S., Bruneau M. (dirs), Géopolitique de l’Asie, Nathan, 2017, 384p.
- Dumortier B., Stadnicki R.(dirs), Géopolitique de l’Afrique et du Moyen-Orient, Nathan, 2017, 430p.
- Hamon D., Dugot P.(dirs), Géopolitique de l’Europe, Nathan, 2017, 400p.
- Le tout-en-un, plus synthétique que la collection Nathan, il apporte aussi davantage de conseils en matière de problématisation.
- Louis F. (dir), Histoire, géographie et géopolitique du monde contemporain, PUF, 2018, 550p.
- Pour affiner vos définitions de concepts et vos exemples :
- Gauchon P. (dir), Les 100 lieux de la géopolitique, PUF, 2018, 128p.
- Gauchon P., Huissoud J.-M, Les 100 mots de la géopolitique … et quelques autres, PUF, 2017, 128p.
- Pour la méthodologie de la cartographie :
- Alfré M., Le monde en cartes – Méthodologie de la cartographie, Autrement, 2019, 192p.
Pour aller plus loin : les ouvrages “premium” direction HEC
Cette rubrique s’adresse soit à ceux qui sont très avancés dans leur travail et parviennent à dégager du temps (un profil mythique normalement en CPGE ECS), soit aux plus passionnés d’entre vous (et n’ayant pas de souci majeur dans les autres matières s’entend).
Vous trouverez ci-après une courte bibliographie dont les références sont connues des correcteurs. Ces derniers ont l’habitude de considérer les “épiciers” comme d’illustres ignares en comparaison des “khâgneux” (dont ils sont souvent d’anciens représentants). Voici le moyen de leur donner tort :
Fourquet J., L’archipel français, 2019 : directeur de pôle à l’Institut Français d’Opinion Publique (IFOP) formé en sociologie et en géopolitique, Jérôme Fourquet propose ici une analyse de la société française. Pour lui, cette société s’est divisée en une multitude de groupes aux intérêts divers, à la faveur de l’éclatement de ses structures historiques (la dualité conservatisme catholique / communisme), de la montée de l’individualisme et des vagues migratoires successives, au cours du XXe siècle. Il estime qu’à l’heure actuelle, une nouvelle dualité semble désormais structurer notre société : celle des perdants et des gagnants de la mondialisation.
Harari Y. N., Sapiens, une brève histoire de l’humanité, 2011 : dans ce tour d’horizon de l’histoire humaine rédigé avec clarté, Harari examine la réussite d’Homo Sapien (nous) sur le reste du règne animal. Elle tiendrait davantage en sa capacité à construire des mythes, qui, lorsqu’ils sont partagés deviennent fédérateurs, unissant un très grand nombre d’individus sans que ceux-ci ne se connaissent intimement ; qu’à celle de fabriquer des outils de plus en plus performants.
Kissinger H., L’ordre du monde, 2016 : étudiant les conceptions d’ordre mondial chez différentes civilisations (chinoise, arabe, indienne, occidentale), Kissinger rappelle que l’acceptation actuelle de cette notion provient des traités de Westphalie, lesquels mettent fin à la guerre de Trente Ans en 1648 et établissent quelques règles : la souveraineté externe (aucun Etat ne reconnait d’autre autorité que la sienne), la souveraineté interne (tout Etat dispose du contrôle exclusif de son territoire et de sa population), l’équilibre des puissances (aucun Etat ne peut surpasser les forces combinées des autres), abandon de l’idée d’un empire européen chrétien inspiré par Rome. Kissinger insiste aussi sur le fait que l’ordre mondial n’est jamais qu’une idée, une projection des valeurs d’une civilisation sur un fonctionnement, idéal et éventuel, du monde.
Laidi A., L’histoire mondiale de la guerre économique, 2016 : avec force d’exemples historiques, Laidi cherche à montrer que l’idée de « guerre économique » n’est pas qu’un concept mais une réalité. Depuis la pré-histoire jusqu’à nos jours, les conflits auraient toujours compris une finalité économique et pas uniquement politique, culturelle ou encore religieuse.
Pomeranz P., The Great Divergence : China, Europe and the Making of the Modern World Economy, 1998 : ce disciple de Fernand Braudel relativise la réussite de la Grande-Bretagne aux XVIIIe et XIXe siècles. Il étudie sa région la plus riche de l’époque, l’Angleterre : si elle est la première à réaliser son industrialisation, ce n’est pas grâce à de meilleures institutions, de meilleures techniques ou une économie mieux structurée que le reste du monde. Le delta du Yangzi (près de Shanghai) disposait d’une situation très similaire aux Midlands anglais en 1750. En revanche, l’Angleterre dispose d’un charbon peu cher et facilement accessible pour alimenter ses machines à vapeur et accroître sa productivité. Par ailleurs, elle surpasse sa limite malthusienne grâce aux ressources agricoles d’Amérique.