Cette année, en tant qu’enseignant de culture générale via la méthode de la dissertation parfaite chez Myprepa, j’assistais à la journée HEC, et notamment au rapport de la commission des correcteurs de la nouvelle épreuve de CG qui réunit désormais celle d’HEC et celle de l’EMLyon.
Voici quelques notes qui résument les points les plus importants de cette réunion :
1. L’esprit dans lequel la commission a travaillé pour la conception du sujet de l’épreuve commune HEC- EMLyon
L’enjeu était de trouver une synthèse entre deux épreuves à l’esprit assez différent. En effet, l’ancienne épreuve de dissertation de culture générale à HEC était concue de telle sorte à mettre le candidat en position de devoir s’adapter face à un sujet potentiellement déroutant. Ainsi, le candidat ne pouvait jamais se contenter de réciter son cours, en devant par exemple faire le lien entre « crépuscule » et « vérité », il était impératif pour lui de faire preuve de créativité pour obtenir une bonne note.
À l’école de Lyon en revanche, on cherchait davantage à valoriser un travail rigoureux d’apprentissage des références attendues sur le thème, et les correcteurs corrigeaient avec un barème plus précis de sorte qu’un étudiant ayant bien travaillé le cours soit toujours récompensé. On y demandait aussi de produire un travail synthétique, en 8 pages maximum et une forme soignée, au niveau de la graphie et de l’orthographe.
2. Le nouvel esprit de la notation de l’épreuve de culture générale HEC/EML :
Il existait donc jusque-là une tension entre ces deux épreuves, et faire la synthèse entre ces deux esprits de correction des épreuves n’a pas été facile.
On se donnera désormais le droit de ne pas mettre le mot au programme dans le sujet de façon explicite. Exemple : « se souvenir de soi » a été évoqué comme sujet possible avant de choisir les blessures de la mémoire. Pour le reste, les sujets interrogatifs seront plus rares que les sujets apposant le thème et un autre concept, dans l’esprit de ce qui se fait déjà depuis longtemps à HEC.
La solution qui a été retenue pour réaliser cette synthèse entre deux épreuves aux attentes divergentes est la suivante : valoriser les copies qui répondent à l’esprit EML (récitation de cours bien agencée en fonction du sujet) à hauteur des notes qui permettront aux candidats de bien se positionner pour l’EML et attribuer les meilleures notes à ceux dont la copie fera preuve de créativité et d’une réflexion conceptuelle plus abstraite, afin que celles-ci soient un avantage pour le candidat visant plutôt HEC.
Ainsi :
15 et + aux copies qui s’étonnent du sujet. Qui interrogent le sujet et le creusent de façon conceptuelle en montrant en quoi il est problématique.
Entre 10 et 15 pour les copies plus récitatives mais qui au moins à un moment donné ont interrogé le concept de mémoire.
Moins de 10 pour les simples récitations de cours, en se contentant d’aligner les idées et les références.
Fin du comptage des fautes d’orthographes. (qui avait cours jusqu’ici à l’EML avec un barème précis. Désormais : à l’appréciation du correcteur, qui peut enlever jusqu’à 2 points pour l’orthographe et la graphie, sans critères supplémentaires que son appréciation propre.
3. Un cru 2018-2019 sur la mémoire globalement décevant :
Cette année, impossibilité pour les correcteurs d’atteindre le 10 de moyenne. Les copies n’ont donc globalement pas atteint le niveau requis au concours. On déplorera :
- Les copies purement illustrative (le cours débité de façon linéaire) ou descriptives (que des exemples).
- Grande homogénéité des références qui viennent pour la plupart des ouvrages commerciaux sur le thème de l’année. On évitera donc ces ouvrages qui listent des paragraphes prémâchés que l’on retrouve ensuite dans toutes les copies.
- Nombre incalculable de copies qui ne définissent pas la mémoire, et/ou, dont le propos laisse à comprendre que l’on parle de différents types de mémoire au long du sujet sans jamais expliciter clairement les nouvelles définitions usitées au fil de la réflexion. (exemple ; on parlera de « mémoire » par défaut, sans préciser si l’on parle de l’Histoire, de la mémoire collective, si oui laquelle, ou bien de la mémoire comme fonction de la conscience, ou comme outil de restitution des connaissances etc. L’important est d’être explicite et de poser ses définitions.
- Nombre incalculable de copies qui ont inversé à tort le sujet « la mémoire des blessures ». En effet, la mémoire des blessures n’implique pas forcément une blessure de la mémoire…
- D’une manière générale, il faut surtout éviter de se croire intelligent en évacuant le sujet. « Ce sujet n’aurait pas de raison d’être » est vraiment le pire sentiment que vous puissiez donner au correcteur. Au contraire, la dissertation sert à interroger le sujet, à discuter sur le fait qu’il soit problématique. Exemple d’une copie fortement sanctionné qui aurait évacué le sujet dès l’introduction en expliquant « qu’il ne saurait y avoir de blessures de la mémoire, il n’y a que des blessures de l’Histoire », pour ensuite confondre mémoire et histoire.
- Rentrer dans le sujet dès l’introduction. La problématique est souvent le moment pauvre des copies. Manque de créativité dans les copies, surement pour éviter le HS, mais qui conduit à une réflexion souvent trop étroite.
- Exemple de mauvaise problématique : « Comment l’oubli peut-il résoudre les blessures de la mémoire ? ». En voulant ici trouver une solution à un problème, on n’interroge pas le sujet en lui-même, on ne se demande pas en quoi le concept de blessure de la mémoire est en lui-même étonnant, problématique… Supposer qu’il y a un problème à résoudre et proposer une solution n’est PAS problématiser…
- Très faible présence des références philosophiques.
- Désespoir des correcteurs de voir que la littérature n’est souvent utilisée qu’à titre d’exemple, pour illustration.
- Nombre de copies qui ont fait des introductions relativement problématisantes (bon point) pour complètement abandonner cette problématique lors du développement.
- Il n’est pas indispensable de faire : une idée, une référence. L’important est de traiter intelligemment le sujet, avec un fil directeur et de montrer que l’on a une connaissance de première main des références utilisées. Ainsi, une même référence peut servir à enchaîner plusieurs arguments s’ils apportent de la cohérence au propos.
- Il faut écrire en encre foncée à cause de la numérisation des copies. Noir ou bleu sombre, mais surtout pas bleu clair (problème de lisibilité).
- La question du fil rouge est centrale, et des transitions, bien plus que de la rigueur du formalisme du plan. La dissertation de CG est un propos, une discussion, une ouverture sur la complexité d’un sujet qui doit susciter l’étonnement. Pas du tout le même esprit méthodologique que la dissertation d’HGG ou d’ESH.
- La conclusion ne doit pas simplement répéter au ce que l’on a dit au futur proche dans l’introduction… « Nous montrerons… » « Nous venons de montrer que… » Il faut montrer en quoi le développement nous a permis de s’étonner encore davantage du sujet, en quoi il nous a apporté les éléments nécessaires pour creuser encore davantage le sujet que nous ne l’ayons cru possible à priori au moment de l’introduction, et en quoi, finalement, cela répond à la problématique mais ouvre peut-être vers de nouveaux horizons.
- La limite de page a complètement disparu. Il n’est plus question de se limiter à 8 pages pour cette épreuve.
Bilan :
Les conclusions de cette commission m’ont conforté dans la méthode de la dissertation parfaite enseignée chez MyPrepa.
- Elle évite rigoureusement la récitation d’un cours classique, puisqu’il ne s’agit pas d’apprendre un cours, mais de déployer une argumentation apprise à l’avance construite autour de la problématique profonde du thème que j’identifie chaque année pour mes étudiants.
- Elle évite aussi les références que l’on retrouve partout (et notamment dans les ouvrages du thème de l’année, achetés par la majorité des candidats), et propose au contraire une réflexion cohérente référencée par des « pépites » originales issues de mes lectures personnelles dans des champs diversifiées (socio, psycho, anthropologie, musique, cinéma, biologie…)
- Le plan « complexe » comme j’aime l’appeler, cherche à montrer de plus en plus en quoi le sujet ne peut être résolu par une solution simple, mais au contraire en quoi il est profond, ambivalent, fécond en paradoxes. Bref, on essaie de donner à voir la complexité du sujet, et il est clairement apparu lors de cette commission qu’il s’agit là d’une attente forte du jury.
- Enfin et surtout, elle apprend une méthodologie de l’adaptation au sujet qui repose entièrement sur le déploiement d’un fil rouge, ce qui répond à la requête majeure des correcteurs : soigner les transitions entre les parties, et soigner la logique de développement de l’argumentaire.
J’ai hâte de commencer à rédiger pour la prochaine dissertation parfaite sur le désir pour les étudiants de la promo 2019-2020 de MyPrepa !