La puissance chinoise en Asie orientale
Analyse du sujet
Attentes du jury
Les sujets ESSEC font, en général, la part belle à la réflexion personnelle, aux constructions syntaxiques alambiquées ainsi qu’à une multitude de notions complexes (“la question de la nation” en 2018, “le développement à l’épreuve de la guerre” en 2017, “le monde méditerranéen” en 2016, etc.).
C’est pourquoi le sujet HGG ESSEC 2019 surprend par son apparente simplicité (pas de formulations longue, ni de notion compliquée). Toutefois, même si le sujet est de facture classique, une formation non-interrogative implique généralement un effort de problématisation. C’est sur cet aspect que les candidats doivent se concentrer.
Ecueils à éviter
- Attention à ne pas traiter un autre sujet : par exemple, évitez de traiter le sujet 1 d’Ecricome “La Chine installe-t-elle un nouvel ordre mondial ?”.
- Ne jamais négliger la définition des “petits mots” (ici “en”), qui “connectent” deux termes du sujet. Ils sont bien souvent cruciaux pour mener une analyse pertinente.
- Ne pas définir les termes du sujets entre eux. On peut commencer par donner une définition stricte des termes (comme “puissance” par exemple), mais il faut ensuite les mettre en lien avec les autres termes du sujet (“chinoise”, “Asie orientale”).
- Ne pas faire une comparaison géographique avec un autre espace. Par exemple, dire que la puissance chinoise s’exprime différemment en Asie orientale qu’en Asie du Sud-Est est intéressant, mais l’on étudie ici la puissance chinoise EN Asie orientale.
Définition des termes du sujet
“La puissance chinoise”
- Puissance : volonté et capacité de “faire, faire faire, d’imposer sa volonté aux autres” (R.Aron). Telle que théorisée par J. Nye en 1995, la puissance est à la fois “coercition” (“hard power”, imposer sa volonté par la force) et “cooptation” (“soft power”, imposer sa volonté par la “séduction”, et notamment l’attrait culturel).
- Puissance : volonté et capacité de “faire, faire faire, d’imposer sa volonté aux autres” (R.Aron). Telle que théorisée par J. Nye en 1995, la puissance est à la fois “coercition” (“hard power”, imposer sa volonté par la force) et “cooptation” (“soft power”, imposer sa volonté par la “séduction”, et notamment l’attrait culturel).
- La puissance chinoise : renvoie ici aux spécificités et à la trajectoire de la puissance chinoise (rang, principales caractéristiques, zone de déploiement). On précise ici qu’il s’agit de la Chine continentale (comme le suggère le déterminant “la” puissance chinoise), et non pas Taïwan. On étudie l’ensemble des acteurs de la puissance chinoise, à l’instar des entreprises publiques et privées, de l’Etat central, des provinces, des universités, de l’APL (Armée populaire de libération)…
Stade de la réflexion : La puissance chinoise, affirmée aussi bien économiquement que politiquement depuis les années 1980, semble inexorablement promise à la première place en Asie orientale. Son poids économique et financier, ses ambitions militaires et diplomatiques ainsi que son rayonnement culturel (l’ensemble du spectre de la puissance est ici réuni) semble avoir définitivement distancé ses concurrents régionaux, en particulier le Japon.
La notion de puissance implique cependant de qualifier l’attitude de la puissance chinoise en Asie orientale sans la réduire à son statut de leader : est-elle prédatrice ? Protectrice ? Quels sont ses alliés et ses opposants ? Où se projette-t-elle en Asie orientale ? En effet la puissance chinoise semble de plus en plus redoutée en Asie orientale, notamment par le Japon et Taïwan, qui resserrent leurs liens avec les Etats-unis pour faire face à la puissance chinoise en Asie orientale. Elle a cependant une proximité historique avec la Corée du Nord et la Mongolie
Mais la Chine n’a-t-elle pas de nouveaux concurrents à l’échelle du continent asiatique dans son ensemble ? Il nous faut définir ce qu’est l’”Asie orientale” pour le savoir…
“en Asie orientale”
- Asie orientale : Désigne l’ensemble des pays d’Asie de l’Est (Chine continentale, Mongolie, Taïwan, Japon, deux Corées). On y adjoint parfois Singapour pour des raisons culturelles et non géographique.
- en: implique d’étudier la puissance chinoise dans un espace géographique bien défini : l’Asie orientale. Il ne faut pas oublier la multitude d’acteurs extérieurs à cet espace (Etats-Unis notamment). L’Asie orientale est donc ici considérée comme espace, et non pas comme une liste de puissances/d’états.
Pas de « ? »: L’absence de point d’interrogation implique un décalage des enjeux : c’est la capacité de réflexion qui sera ici primordiale pour le candidat. Le sujet étant assez large et la problématisation n’étant pas “pré-mâchée” par une forme interrogative, il faut concentrer ses efforts sur le plan et la problématique.
Cadre spatial et temporel :
- Cadre temporel : Quand commence-t-on à parler de puissance chinoise en Asie orientale ? A partir de l’ouverture et de l’émergence économique de la Chine, au début des années 1980. En introduction, on peut remarquer que la Chine retrouve aujourd’hui sa puissance passée qui s’était détériorée au 19è siècle (qui marque les guerres de l’opium et la perte d’hégémonie chinoise au profit des puissances européennes).
- Cadre spatial : Asie orientale, de la frontière occidentale de la Chine aux côtes orientales du Japon.
Problématisation
Bien des problématiques étaient envisageables ici. En voici deux exemples :
“Dans quelle mesure la Chine s’est-elle imposée comme la puissance incontestée en Asie orientale ?”
“L’accession de la puissance chinoise au statut de leader régional est-elle redoutée en Asie orientale ?”
Propositions de plans détaillés
Le plan qui suit n’est qu’une proposition parmi d’autres. Les parties sont déterminées à l’aide des passages en gras dans la partie Analyse du sujet.
Ci-dessous un plan qui répond à la problématique suivante :
“Dans quelle mesure la Chine s’est-elle imposée comme la puissance incontestée en Asie orientale ?”
I. Si de prime abord, la puissance chinoise semble toujours concurrencée par d’autres puissances en Asie orientale…
1.Un retard historique de la puissance chinoise progressivement rattrapé depuis les années 1980…
a.Des puissances rivales (Japon, Taïwan, Corée du Sud), premières puissances émergentes et réémergentes en Asie orientale depuis les années 1960, creusent l’écart avec la Chine
b.Un pays à l’écart des échanges entre 1949 et le début des années 1980
c.Un rattrapage spectaculaire depuis les réformes de Deng Xiaoping au début des années 1980
2. …La puissance chinoise en Asie orientale toujours concurrencée économiquement par d’autres puissances….
a.La concurrence économique régionale en Asie orientale
b. La concurrence économique américaine en Asie orientale
3. … ainsi que militairement et politiquement
a. Une avance technologique et militaire japonaise malgré les efforts de l’Empire du milieu.
b. Une présence militaire historique des Etats-Unis.
II. … la puissance de l’Empire du milieu apparaît comme étant de plus en plus incontestée dans l’espace est-asiatique…
1. La Chine est devenue la puissance économique majeure en Asie orientale…
a. De grandes entreprises d’envergure mondiale, qui rayonnent dans toute la région.
b. Un leader des investissements régionaux.
2…. à même de mettre en place des institutions régionales…
a. Une puissance capable de mettre en place des institutions économiques régionales (BA2I)…
b….et politiques (OCS)
3. … qui servent sa puissance politique et militaire
a.la puissance politique de la Chine visible à travers le projet “OBOR” (Nouvelles routes de la soie)….
b. Les dépenses militaires chinoises, témoin d’une puissance navale et terrestre en cours de reconstruction.
III.. ce qui fait de la Chine une puissance redoutée en Asie orientale, impliquant une réaction proportionnée de la part d’autres puissances au sein de l’espace est-asiatique.
1.De nouvelles stratégies des puissances rivales en Asie orientale face à la puissance chinoise..
a.Le Japon à la recherche de nouvelles alliances avec des leaders régionaux (Inde) pour réaffirmer sa puissance en Asie orientale..
b.Un retour des Etats-Unis dans l’équilibre régional
2…qui impliquent des tensions croissantes en Asie orientale…
a.Des tensions maritimes croissantes (ex des îles Senkaku)
b. Des tensions économiques croissantes
3… pouvant possiblement déboucher sur un affrontement économique et géopolitique permanent avec la puissance chinoise.
a.Un affrontement économique permanent avec les Etats-Unis et le Japon pouvant déstabiliser la région sur le long terme ?
b. Un affrontement géopolitique permanent pouvant déboucher sur un éventuel conflit en Corée du Nord malgré la relative détente ?
Quelques exemples utiles pour ce sujet (ouvertures possibles et idées d’arguments pour le développement) :
- L’ambition navale de la Chine théorisée par l’Amiral Liu Huaqing en 1985 (Stratégie des “chaînes d’îles”)
- le “Zhongguo meng” (中国梦) ou “rêves chinois”, stratégie culturelle portée par Xi Jinping en 2013.
- La grande initiative “OBOR” (ou nouvelles routes de la soie) passe par l’Asie orientale (contrôle maritime sur la Mer de Chine orientale).
- La guerre commerciale lancée en 2018 par Donald Trump à l’encontre notamment de ZTE et Huawei. Un moyen d’affaiblir la puissance chinoise en Asie orientale ?