Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, l’histoire que je vais vous conter est entièrement vraie. Autant ne rien vous cacher, elle se termine plutôt mal. Mais je ne pouvais pas poursuivre mon beau métier sans vous faire part de cette impensable trajectoire. Attachez vos ceintures, nous allons décoller! Le voyage est un peu long et des zones de turbulences sont à prévoir mais vous ne le regretterez pas.
Le parcours scolaire d’Adrien
Adrien m’a sollicité il y a environ quatre ans. Il venait de rentrer à Intégrale en ECE et éprouvait les plus grandes difficultés dans toutes les matières. En mathématiques, c’était catastrophique. Il ne savait presque rien faire. Je n’étais pas inquiet puisque c’est le cas de presque tous les ECE en première année. Le plus grave, c’était dans les autres matières : après 6 mois de prépa, il avait zéro de moyenne lors des deux premiers concours blancs. Je n’exagère pas : zéro de moyenne. Il rendait copie blanche sur copie blanche. Pourtant lors de nos premières séances, je détectais un potentiel immense : style impeccable et sans faute d’orthographe observé lors des quelques devoirs maisons d’économie ou de culture générale, anglais perfectible mais déjà remarquable, notamment en essai, et capacité de travail exceptionnelle. Pourquoi zéro de moyenne me demanderez-vous? Sans trop m’étendre, je dirai que le regard d’autrui posait problème. Il ne supportait pas l’idée de se faire évaluer par un professeur et d’être potentiellement ridiculisé devant toute une assemblée d’étudiants. En rendant copie blanche, il avait l’excuse de n’avoir rien fait du tout. Un problème d’estime de soi en quelque sorte. En maths, il me raconta ce moment traumatique où l’une de ses camarades de classe lui disait « comment ça, tu ne sais pas faire cette question basique ? »
Face à ces zéros à répétition, il me fallut rentrer dans le détail de son histoire pour désamorcer les blocages. Adrien s’est alors employé à me résumer son passé dans les grandes lignes. Je découvris alors l’inimaginable : au collège, Adrien était sorti du circuit classique et placé en C.A.P. climatisation. Après une expérience de vendeur d’environ un an dans une boutique de prêt-à-porter, il choisit de réintégrer le circuit scolaire et, contre toute attente, décrocha le bac ES en candidat libre avec une mention bien. Ce parcours témoignait déjà d’une capacité de rebond hors du commun. Il mettait également en lumière une partie des raisons du blocage : Adrien avait une revanche à prendre sur ce « sombre passé« . Après avoir connu l’échec scolaire, Adrien voulait atteindre l’excellence académique. C’était HEC ou rien. Pourtant, le complexe d’infériorité qui l’habitait l’empêchait de déployer son potentiel en situation d’examen, notamment à l’intérieur d’une classe. Avant l’obtention du bac, il avait déjà tenté de réintégrer le lycée en première : fiasco complet. L’évaluation des professeurs lui posait déjà problème.
Après plusieurs mois de coaching et des heures entières passées au téléphone pour développer sa confiance, je mis Adrien face à ses responsabilités :
« Écoute Adrien. Tu le sais, tu vas te faire virer d’Intégrale à la fin de l’année. Il reste néanmoins un concours blanc. Fais-moi le plaisir de tout donner et de ne rendre aucune copie blanche. C’est primordial car dans ce cas, je pourrai défendre ton dossier auprès de la directrice d’Ipecom que je connais.»
Un réflexe de survie conduisit Adrien à m’écouter. Et, à la surprise de tous les professeurs, Adrien obtint autour de 9 de moyenne au dernier concours blanc, arrivant dans les 15 premiers de sa classe ! Les professeurs n’en revenaient pas ! Mais la moyenne sur l’année était trop faible donc ce qui devait arriver arriva : Adrien fut mis à la porte d’Intégrale. Il m’a fallu engager une certaine énergie pour défendre le profil risqué d’Adrien auprès d’Annie Reithmann, directrice d’Ipecom. Elle posa ses conditions : « Adrien, je veux que tu assistes à tous les cours, sans exception, et que tu sois présent à tous les devoirs sur table« . Adrien accepta. La seconde année pouvait commencer.
Adrien respecta plus ou moins le pacte qui l’engageait auprès de Mme Reithmann. Plus ou moins, car il ne put s’empêcher de rendre quelques copies blanches dans certaines matières. On ne passe pas des ténèbres à la lumière sans transition… Mais l’essentiel était bel et bien là : Adrien déployait progressivement son potentiel.
Quelques échanges de SMS mythiques
Quelques échanges de SMS mythiques animaient nos échanges. Morceaux choisis :
- Juste avant la rentrée à Ipecom : « Bonsoir Olivier. Je suis en Italie. Tout se passe très bien. J’ai uniquement travaillé pendant les vacances. Pour te donner une idée, j’ai fait 4h de maths par jour depuis le dernier cours. Je ne me suis pas vraiment détendu sans pour autant me fatiguer, je serai donc explosif pour entamer cette nouvelle année»
- Lors de son premier cours de maths à Ipecom : « J’ai plus participé au cours en 2h que durant toute l’année dernière. Content de ma rentrée« . Ou encore : » Je suis là 20 minutes avant tout le monde, j’ai la même place depuis le début de l’année ! La prof a très bien compris que j’étais déterminé. Elle veut me voir réussir ça se sent ! Mais sa stratégie, c’est de toujours me critiquer pour que j’évolue sans cesse !»
- Lors de la remise d’une contraction de texte : « 16/20 moins 3 points parce que j’ai fait un peu trop de mots en contraction. Elle a lu ma copie à la classe…»
- Lors de la remise du premier DS de maths : « 4h de maths par jour du 15 juin au 1er septembre pour me taper un 4.75 et me situer parmi les plus nuls. Très très dur. Ca me tue de t’avouer que j’ai pris un gros coup au moral !»
- Une tirade mythique lors de l’un de nos multiples échanges : « D’accord, je suis limité par rapport à un autre mais personne n’est limité par rapport à soi-même! Pour moi, l’évolution individuelle, détachée de celle de l’autre, n’a aucune limite ! Et c’est ce qui me fait y croire depuis le début. Si tu savais ce qu’elle était ma mémoire ! Je ne savais pas différencier « here » de « there » en anglais le jour du bac. Quand je révisais l’anglais avec un copain, il se foutait de moi tellement j’étais nul. Aujourd’hui, les mots, je les ingurgite un par un comme des dragibus ! Et personne y aurait cru à part moi. Forcément, je ne me suis pas imposé de limites parce qu’elles sont inexistantes !!! D’ailleurs, ceux qui lâchent prise en maths sont ceux qui croient qu’elles sont réservées à une certaine catégorie de personnes ! Ils s’imposent eux-mêmes des limites qui n’existent pas ! Bref, quand j’intègre, je commence les maths niveau Scientifique !»
- Après un DS d’anglais, un échange de SMS intéressant :
- Adrien : « Putain, je tape 6 en anglais, c’est un suicide. J’explose tout le monde en cours, je connais tous les mots et ça paie pas en devoir. Je comprends rien.»
- Moi : « Pourquoi as-tu eu 6 ? telle est la question. Cesse de te comparer aux autres. Tout s’explique rationnellement. Essaie de bien comprendre et appelle-moi ensuite. Courage.»
- Adrien : « C’est injuste !!!»
- Moi : « Non, ça n’est pas injuste. A HEC, on recherche des gens intelligents mais aussi des gens capables d’être bons et performants le jour J. Si un employé est bon mais qu’il perd ses moyens quand il s’agit d’être performant devant ses supérieurs hiérarchiques, alors on préfèrera celui qui est bon le jour J… Il y a aussi dans le sport, plein d’exemples de « tueurs » aux entrainements mais qui ne sont pas bons en compétition… Tout cela se travaille aussi, il n’y a jamais de fatalité. Tout s’explique rationnellement… Appelle-moi quand tu auras compris… Comprends bien que le travail est une condition nécessaire à la réussite aux concours mais pas suffisante! On va y travailler t’inquiète pas !»
- Adrien : « Olivier , je viens de voir tes appels !! Je suis pas déprimé mais juste très énervé ! Merci beaucoup pour ta réponse, je t’appelle demain midi une fois calme parce que là, malheureusement, je peux pas vraiment rationaliser…»
- Moi : « Appelle-moi à tête reposée demain. Mais sache que je suis tjs là et que je suis passé par toute une année avec des notes comprises entre 3 et 6… Avec en prime, une non-admissibilité à l’ESC Le Havre-Caen lors de mes concours bizuth… Et à aucun moment, je n’ai cessé de croire en la stratégie fixée. Je ne pensais jamais aux notes ni aux résultats. Seuls le planning de travail et le plaisir de travailler m’habitaient. Courage, et reviens au calme, ce ne sera malheureusement pas ta dernière note moyenne voire mauvaise, mais ça ne change rien. Ca prouve simplement que demain tu seras meilleur qu’hier et qu’aujourd’hui. Trust me !»
- Adrien : « Bien sûr que je te fais confiance !»
Après une intense préparation, Adrien passa les concours en carré. Il décrocha toutes les Ecricomes, ce qui était déjà une belle prouesse compte tenu de son parcours. Mais ça ne l’intéressait absolument pas. HEC ou rien, comme je vous le disais plus haut. Aux concours BCE, ce fut insuffisant bien que prometteur.
Voici le profil de notes pour ses premiers concours :
Ecrit | |
---|---|
Contraction de texte HEC | 9 |
Synthèse de textes ESCP Europe | 12 |
Langue vivante I CCIP Anglais | 13 |
Langue vivante II CCIP Italien | 11,5 |
Diss. culture générale HEC | 9 |
Diss. culture générale EMLyon | 9 |
Diss. culture générale EDHEC/ESSEC | 8 |
Mathématiques E HEC | 8,4 |
Mathématiques E ESSEC | 8 |
Mathématiques E EMLyon | 12,4 |
Mathématiques 2 E ESSEC | 9,9 |
Mathématiques E EDHEC | 15,4 |
Analyse éco. et hist. HEC | 14 |
Analyse éco. et hist. ESSEC | 6 |
Analyse éco. et hist. ESCP Europe | 7 |
Lorsque je découvris le détail des notes, j’appelai Adrien pour faire un débriefing. Et là, une fois encore, l’inconcevable se produisit : j’entendis Adrien chuchoter au téléphone « Olivier, je ne peux pas te parler, je suis à la bibliothèque« . Alors que l’étudiant lambda serait en train d’analyser les notes et d’accuser le coup, Adrien s’était déjà remis au travail pour l’année de cube !!! Je n’avais jamais vu ça. Un tel sens de l’effort. Une telle détermination.
Pour l’année de cube, Adrien travailla seul. Nous échangions simplement quelques SMS pour qu’il me tienne informé de son évolution. À quelques jours des concours, il vint au bureau pour un dernier réglage en algèbre. Et là, Adrien était en « bad trip » complet… Il voyait tout noir. Il commençait à avoir peur… J’eus toutes les peines du monde à le remettre sur les rails pendant la séance. Mais quelques jours plus tard, il était redevenu optimiste. Je ne sais pas pourquoi. Cela fait partie de la complexité psychologique du personnage. Le concours commença. L’entrée en matière fut excellente, notamment en dissertation d’économie à l’ESSEC. Mais une nouvelle surprise vint tout remettre en cause :
«Salut Olivier. Ne m’accable pas mais j’ai craqué en pleine semaine. J’ai rendu qu’une page d’intro à l’ESCP jeudi matin et je ne suis pas allé à l’épreuve d’HEC en CG l’après-midi. Je suis désolé si tu croyais en moi, tu t’es peut être investi pour rien. Néanmoins il me reste l’ESSEC dont j’ai plutôt réussi les épreuves mercredi et aujourd’hui. Je vais donc faire de mon mieux en maths contraction et italien la semaine prochaine. Voila bonne soirée j’ai besoin de repos. A bientôt.»
J’étais complètement abattu. Tant d’efforts pour buter sur les deux épreuves les plus importantes du concours comptant pour presque toutes les écoles. À présent, il ne pouvait prétendre qu’à l’ESSEC…
«Salut Olivier la semaine s’est bien terminée puisque je pense avoir réussi les maths de l’ESSEC. En tout cas, ce que j’ai fait est beaucoup plus solide que ce que j’ai rendu l’année dernière et plus long. Donc c’est positif et je n’ai aucun regret puisque j’ai fait tout ce que j’ai pu sachant que l’épreuve était difficile. J’étais à fond tout le temps. Je vais tout de même aller à HEC éco mardi pour le principe et pour m’entrainer. Sait-on jamais. Je vais préparer les oraux de l’ESSEC, si tu as des conseils les jours à venir, n’hésite pas !»
Avant la parution des résultats ESSEC, on eut le détail de quelques notes, et notamment un 4 assassin en contraction de texte… Pourtant, à la surprise générale, et dans l’émotion la plus intense, Adrien était admissible à l’ESSEC !!!
Le bulletin de notes du concours d’Adrien pour son année de cube
Ecrit | |
---|---|
Contraction de texte HEC | 4 |
Synthèse de textes ESCP Europe | Absent |
Langue vivante I CCIP Anglais | 10 |
Langue vivante II CCIP Italien | 16,6 |
Diss. culture générale HEC | Absent |
Diss. culture générale EMLyon | 12 |
Diss. culture générale EDHEC/ESSEC | 12 |
Mathématiques E HEC | 13,9 |
Mathématiques E ESSEC | 14,1 |
Mathématiques E EMLyon | 18 |
Mathématiques 2 E ESSEC | 14,8 |
Mathématiques E EDHEC | 10,6 |
Analyse éco. et hist. HEC | Absent |
Analyse éco. et hist. ESSEC | 17 |
Analyse éco. et hist. ESCP Europe | 3 |
Toutefois, un souci de taille se présentait à nous : l’entretien de personnalité.
Malgré son parcours original, Adrien avait encore des problèmes à l’oral. Il était devenu excellent à l’écrit mais l’oral avait été laissé en friche… En dépit d’un entraînement intense, l’entretien de personnalité ESSEC fut un massacre : bégaiement, transpiration, lenteur, voix monocorde, auto-flagellation devant le jury… Un carnage.
Non admis à l’ESSEC. Adrien voulut refaire une année…
«Salut Olivier ! Je suis a l’aéroport. Je pars en Crête une semaine. J’ai l’intention de reprendre le travail en Août avec ma copine qui cube. Mes notes de l’oral sont les suivantes: 4 en entretien et aux tests, 9 en anglais et 18 en italien. Le fait de ne pas parler du texte et de ne pas respecter le protocole n’a pas empêché l’examinateur d’italien de me mettre une très bonne note !!! Je suis motivé pour l’année prochaine, j’ai plutôt bien encaissé mon échec et je vais faire une nouvelle année à Ipecom. Je n’irai pas en éco et j’aurai un emploi du temps aménagé. Je compte partir 10 jours au soleil au mois de décembre, voir un psy etc… Je vais poursuivre les progrès que j’avais faits au sein de cette prépa, pour être un élève qui se fond parfaitement dans le système. Ca me tient à cœur. Bisous Olivier à bientôt je t’appelle quand je rentre.»
Pour cette année, je me suis assigné un objectif précis : faire d’Adrien une star à l’oral ! Je l’invitai à considérer deux axes : la respiration abdominale et le suivi d’un cours de théâtre animé par l’un de mes amis comédien, coach de sportifs et de dirigeants, Jean-Marc Sabatier. Adrien était d’accord sur le principe et nous eûmes un échange de SMS sympathique :
- Adrien : « Je vais faire les exercices de respiration. Je vais me renseigner aussi pour les cours du soir. C’est une bonne idée ! ça m’a fait plaisir de te voir. Ps: tu m’as bluffé à faire l’éloge de la respiration. T’as une philosophie de l’instant. Que ce soit pour les exams, la respiration et d’autres choses je suppose, tu valorises l’instant présent. T’es comme Camus dans Noces. Bonne soirée Olivier ! Mais je maintiens que c’est un incroyable de dire : « respirer c’est un grand plaisir « ! INCROYABLE»
- Moi : « Lol!!!! Je t’assure que lorsque tu sauras respirer en permanence avec le ventre, tu me béniras tellement tu seras heureux ! Du plaisir à l’état pur !!! Ça m’a grave fait plaisir de te voir aussi. N’hésite pas à passer de temps en temps. Tiens moi au courant pour les cours du soir. J’ai peut être un contact à te donner pour t’améliorer à l’oral… Je connais un coach qui s’appelle Jean-Marc Sabatier qui coache des sportifs de haut niveau et des dirigeants d’entreprise. Il a écrit un bouquin sur la prise de parole en public, je l’appelle et te tiens au courant. A très vite. Olivier»
- Adrien : « Je l’ai appelé il est très cool ! Demain on fixe les rvs il m’a aussi proposé de participer à des séances à son théâtre ! Ça va me faire du bien !! Je suis très content ! Merci bcp Olivier. Je te tiens au courant. Passe un bon week-end. » Et quelques jours plus tard : « Olivier ! C’est vraiment un choix judicieux de m’avoir présenté à Monsieur Sabatier. Il a vraiment une mentalité qui me correspond. Je vais progresser c’est une certitude. Passe de bonne fête de fin d’année. Je passe te voir bientôt. Bisous bonne semaine.»
- Moi : « Salut Adrien. C’est rigolo, je pensais à toi cet après midi en me demandant si la collaboration se passait bien ! J’en étais sûr que ça te conviendrait. Je veux que tu deviennes une bête d’oral ! Le travail du discours te servira toute ta vie donc c’est une vraie chance que Jean-Marc t’apporte son savoir-faire. Tu as déjà eu tes premières séances ? Raconte ! Bises et bonnes fêtes à toi ! 2013 sera ton année. Donc notre année ! Olivier»
- Adrien : « J’ai fait deux séances. On a tout de suite fait de la pratique. Il m’a donné quelques très bons conseils dont j’ai pu tester l’efficacité immédiatement. Je retrouve beaucoup de ce que tu me disais dans son discours aussi. 🙂 ce que j’apprécie beaucoup c’est qu’il considère clairement que ses conseils sont applicables pour tous, il respecte infiniment la personne humaine, il ne met personne dans une case. Tu sens que c’est une personne qui cherche le potentiel de chacun et il ne voit pas l’intelligence comme quelque chose de figée. Il pense clairement qu’on ne nait pas orateur mais qu’on le devient et donc il doit penser comme moi qu’on ne nait pas intelligent mais qu’on le devient.En tout cas c’est l’impression que j’ai. Il fusionne avec mes grandes idées de la vie.. Et ça me motive et m’encourage. Ce qui est bien c’est que maintenant à Ipecom je vais chercher à me confronter aux oraux le plus possible.. Je me sens plus armé. Cette année est la mienne donc la tienne. En 2013, je suis voué à la réussite, à la réussite brillante ! Meilleurs voeux pour cette nouvelle année pour toi et ta famille Olivier !!»
- Moi : « Me voilà comblé de joie pour finir cette année ! J ai hâte de voir les beaux cadeaux que tu me réserves pour cette année 🙂 bises !»
Pour mes stages vacances de février, j’invitai Adrien. Il était devenu extraordinairement bon en maths : une rapidité d’exécution, une vivacité et une rigueur largement au-dessus du lot. Les autres étudiants étaient soufflés ! Il voulut faire les révisions finales tout seul, ce que je comprends : il n’avait plus vraiment besoin de moi.
«Olivier, j’ai préparé un planning auquel j’aimerais bien me tenir pour pouvoir être à jour et m’arrêter de travailler un peu avant les concours. Je préfère donc achever mes révisions de l’écrit solitairement. Tout se passe bien de mon côté. J’espère en revanche que tu te tiens prêt à m’accueillir pour préparer les oraux de maths et le triptyque dès la fin des écrits. Il n’y aura alors qu’un seul mot d’ordre : HEC PARIS !»
Les échanges qui suivent se passent de commentaires :
«Salut Olivier. Pour te dire que j’ai rendu copie blanche à HEC et hier, pour l’EMLyon, je ne me suis pas présenté. Je rentre chez moi cet après-midi. Désolé si je t’ai déçu. Adrien.»
Puis quelques heures plus tard :
«J’ai fait une 4ème année parce que je n’avais pas envie d’aller à l’ESSEC. Je ne sais pas ce qui m’arrive. Je n’ai pas dû faire ce qu’il fallait. Je suis incapable d’expliquer mon comportement. C’était HEC ou rien, j’ai toujours raisonné comme ça. C’est ce raisonnement qui me poussait à travailler comme un dingue. J’avais prévu de ne passer qu’HEC, c’est pour ça que j’ai pas été hier. Tant pis pour moi.»
J’eus beau le supplier de poursuivre les concours pour au moins viser l’EDHEC et ne pas saboter 4 ans de sa vie. Sa réponse délirante :
«Même pas en rêve je vais à l’EDHEC et de même pour la fac. Vous n’avez qu’à me traiter d’enfant capricieux mais c’est comme ça hélas. Je réussirai un jour !!!! Seul contre tous ceux qui n’y croient plus s’il le faut ! Je ne vivrai pas dans cette situation d’échec. Ma place est à HEC. Au grand banquet de la nature, il y a ceux qui sont dotés de qualités et d’autres qui en sont dépourvues, diront les libéraux et bien je ferai partie des éminences de ce monde. Et personne ne choisira pour moi. Je me démerderai comme j’ai toujours su faire. Mais la différence c’est qu’aujourd’hui je suis un homme cultivé. Je vaincrai. je triompherai de ma maladie. Je ne laisserai pas les concours HEC avoir raison de moi.»
Je vous avais prévenu, ça se termine mal… Mais cette longue histoire a définitivement installé une certitude en moi : passer du C.A.P. à HEC, c’est possible ! Ça ne l’a pas été pour Adrien mais il s’en est fallu de peu. Tous les damnés du système pourront donc se rassurer en lisant cette épopée : avec une volonté inaltérable et des méthodes, on peut y arriver. N’en déplaise à tous ceux qui nous parlent en permanence de reproduction sociale. On peut également conjecturer que la prépa n’est pas toujours un long fleuve tranquille. La stabilité psychologique est déterminante pour être performant le jour J. De ce point de vue là, Adrien a sans doute manqué d’un peu de constance. C’est triste mais c’est ainsi. Adrien va se reconstruire. Il fera de grandes choses, j’en suis convaincu. Une telle personnalité, une telle volonté, un tel sens de l’effort. Il a apparemment fait forte impression lors de la pièce de théâtre de fin d’année mis en scène par Jean-Marc Sabatier. Ce même Adrien qui ne savait pas aligner deux mots à l’oral quelques mois plus tôt. Pour sûr, vous n’avez pas fini d’entendre parler de l’incroyable Adrien.