La pédagogie ressort-elle grandie de cet événement mondialement connu ? On fait le point avec l’analyse d’Olivier Sarfati, directeur de MyPrepa et fondateur de LiveClass.
Tous les ans, les acteurs de l’éducation du monde entier ont rendez-vous à Londres au Bett Show, salon mondialement connu et dont la « baseline » annonce la couleur : « transforming education ».
J’ai eu la chance de plonger pendant deux jours dans l’atmosphère du salon, de sillonner ses innombrables allées, d’y échanger avec de nombreux acteurs. Passionnant, et très enthousiasmant.
Si le salon impressionne par la profusion de produits technologiques, que retenir de cet événement au niveau pédagogique ? Voici quelques éléments subjectifs qui m’ont interpellé :
- La primauté de la technologie sur la pédagogie :
C’est le fait le plus marquant selon moi. On y découvre une multitude d’innovations qui peuvent impressionner mais dont l’intérêt pédagogique est souvent limité. Les tableaux interactifs notamment sont toujours plus chargés et font dans la surenchère de fonctionnalités. Des entreprises prétendent révolutionner l’éducation, les mathématiques, l’apprentissage, l’engagement des élèves à grands coups de technologies mais l’interaction humaine semble oubliée. Les algorithmes ne remplaceront jamais la communication et l’échange en live… Cette conviction que je porte depuis des années est renforcée à l’issue de ces deux journées. L’adaptive learning, en revanche, peut constituer une réelle chance si son utilisation est jumelée à la présence d’un pédagogue. Les acteurs qui j’y ai rencontrés ont, pour certains, été très convaincants.
- – La réalité virtuelle (Virtual reality ou VR), chance ou fausse bonne idée ?
Ce fut l’un des questionnements majeurs lors de mon séjour. A première vue, on ne peut qu’être subjugué par l’expérience. Revivre les tranchées de la première guerre mondiale (voir photos), sauter en parachute, faire de la plongée sous-marine sans se déplacer, c’est aujourd’hui possible ! Mais une question surgit : est-ce si intéressant que cela d’un point de vue pédagogique ? Oui, si on utilise la VR pour simuler des situations et l’immersion dans un décor adapté. Oui encore pour faciliter la mémorisation de certains messages. Mais la VR pose selon moi plus de problèmes qu’elle n’en résout. Elle place le visuel et le spectaculaire au centre de l’attention. A n’en pas douter, elle donnera le jour à de nombreuses addictions et détournera l’apprenant de l’essentiel : l’imagination, la créativité, l’esprit critique, l’empathie… Bref, toutes les qualités qu’il sera pourtant nécessaire de cultiver dans un monde chargé d’intelligence artificielle. Le business developer de ClassVR l’a volontiers reconnu : « vous avez tout à fait raison, la VR ne sert pas à cela. Elle sert à mémoriser certaines informations mais pas à développer l’esprit critique… ».
- L’intelligence artificielle dans la salle de classe :
L’intelligence artificielle, on le sait, jouera un rôle important dans les années à venir. Les acteurs de l’adaptive learning présentaient des solutions prometteuses qui permettront de proposer aux étudiants du contenu de plus en plus adapté à leur niveau et leurs projets. Mais au-delà, les systèmes éducatifs devront former les futurs élèves aux principes de l’intelligence artificielle. Une conférence très intéressante traitait de ce sujet : « Artificial intelligence in the classroom ». Les pédagogues vont devoir s’y former et les mathématiques seront à l’honneur. Le métier de professeur de maths sera donc plus que jamais déterminant et devra s’atteler à vulgariser les concepts mathématiques qui gravitent autour de l’intelligence artificielle.
Au final, malgré quelques réserves quant à l’intérêt pédagogique des nouveautés exposées, quel plaisir d’observer l’enthousiasme autour de la transformation de l’éducation. Le monde entier était au rendez-vous. Des stands par pays structuraient l’espace avec une forte présence des acteurs américains (Microsoft et Google en tête) et britanniques. Un espace « French tech » occupait une centaine de m2, honorable mais pas vraiment impressionnant par rapport aux autres pays. Plus que jamais, ce salon m’aura donné envie de faire entendre une voix. Nous y travaillerons dans les années à venir.