De nombreux étudiants font appel chaque année à des cours de soutien scolaire. Pourtant, les cours privés font débat, encore et encore. Olivier Sarfati, petit-fils d’ouvriers, diplômé HEC et directeur de MyPrepa nous livre ses réflexions sur la question en passant au crible 8 idées reçues.
C’est un sujet qui fera toujours débat. Cet article n’y changera rien. Je pourrais sans doute écrire un livre entier sur le thème tant il est passionnant et tant mon parcours personnel m’a invité à y réfléchir. En attendant, voici quelques éléments de réflexion qui ne font certes pas le tour de la question mais qui ont, je l’espère, l’avantage de répondre aux clichés qui enflamment encore aujourd’hui le débat.
1. Certains étudiants de prépa n’ont pas besoin de soutien scolaire : VRAI
C’est une évidence mais il est bon de la rappeler. Chaque année, des milliers d’étudiants intègrent sans avoir pris un seul cours de soutien. Quand certains d’entre eux s’emportent en disant qu’ils n’ont jamais eu besoin de cours privés, ils sont sans doute sincères mais cela ne veut pas dire que c’est le cas de tous les candidats. Ils ont eu la chance d’avoir bénéficié de cours de qualité et on ne peut que s’en féliciter. Mais leur cas particulier n’est pas pour autant transposable à tous. Par définition, les étudiants qui viennent nous voir chez MyPrepa sont ceux qui ont besoin de soutien pour diverses raisons (lacunes héritées du lycée, un ou plusieurs professeurs peu pédagogues, problèmes plus profonds…).
2. Pour réussir sa prépa, il suffit d’écouter les profs de sa prépa : ÇA DÉPEND
On touche ici à un tabou : la qualité de l’enseignement en prépa. Certains étudiants de prépa ont la chance de bénéficier de cours de grande qualité mais force est de constater que la réalité n’est pas toujours aussi flatteuse. Encore aujourd’hui, certains enseignants ne font pas ce qu’il faut. Pire, que ce soit dans le privé ou dans le public, des professeurs sont parfois odieux avec les élèves qu’ils sont censés bichonner pour préparer aux exigences du concours.
J’ai déjà écrit un article sur ce sujet : Coup de gueule : Ces phrases assassines que prononcent les profs
Plus généralement, même avec des professeurs de grand talent, une direction pédagogique défaillante peut conduire à une inefficience pédagogique.
Un exemple : de nombreux professeurs de culture générale matraquent encore aujourd’hui les étudiants de prépa de listes de lecture à respecter. Or, les étudiants ont bien d’autres matières à travailler. Lire des œuvres entières n’est donc pas du tout pertinent pour optimiser les résultats aux concours. Pourquoi de telles pratiques persistent-elles donc ? Tout simplement parce que dans la plupart des établissements publics ou privés sous contrat, il n’y a pas de direction pédagogique pour coordonner le travail de tous les étudiants. Les professeurs sont tout-puissants et imposent parfois des travaux complètement inefficaces dans le cadre de la préparation à un concours multi-matières.
Dans ces conditions, certains étudiants se retrouvent noyés et se tournent vers des instituts de cours privés pour trouver des solutions.
Ci-après, une discussion intéressante sur un forum de prépa où j’ai tâché de nuancer les propos caricaturaux de certains préparationnaires qui faisaient de leur cas particulier une généralité : Forum prepa-hec.org
3. Les cours privés sont injustes et accroissent les inégalités : ÇA DÉPEND MAIS PLUTÔT FAUX !
C’est sans doute le cliché le plus répandu : que ce soit dans les médias, sur les réseaux sociaux ou au café du commerce, on a tous un jour lu ou entendu quelqu’un affirmer que les cours privés contribuaient à l’accroissement des inégalités.
Le sujet est pourtant beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. D’abord parce que les inégalités sont partout. Pour illustrer mon point de vue, je vais vous livrer une correspondance électronique que j’avais eue avec un étudiant. C’est un peu long mais je n’ai pas le choix sur un sujet aussi complexe.
Sa question : « S’offrir un coaching chez MyPrepa doit vraiment être onéreux. Dans ce cas, ne pensez-vous pas que cela instaure une discrimination pour une personne comme moi qui souhaiterais intégrer une parisienne (en plan B) mais qui ne peut se payer un coach + 3 ans d’école de commerce, et une personne un peu moins bonne au départ qui s’offre le coaching d’Olivier Sarfati ? »
Ma réponse, nécessairement longue :
« Oui, tu as raison, ce n’est pas totalement juste. Mais comme tu le sais l’injustice est partout dès le plus jeune âge. La plus grande des injustices est celle d’être né de parents éduqués, dans un certain quartier, avec certaines fréquentations, quand d’autres naissent dans des familles peu cultivées, pauvres et qui ne peuvent pas accorder beaucoup de temps à leurs enfants. J’en sais quelque chose, mes grands-parents étaient paysans et ouvriers et ce sont eux qui m’ont élevé. Alors j’ai dû me battre seul et mes parents ont fait un petit effort en prépa pour me financer des cours de soutien en maths sans lesquels j’aurais eu plus de mal à intégrer HEC. Puis j’ai emprunté pour financer les études à HEC. Selon toi, être pris à Henri IV quand d’autres sont pris dans des prépas de second rang, n’est-ce pas enfoncer le clou et donner plus de chances d’intégrer à ceux qui en ont déjà ? Bref, intégrer, ça se paie dès le plus jeune âge, et même dans le public ! Sauf qu’on étouffe le mot qui te gêne : l’argent…
Poursuivons le raisonnement car c’est intéressant. Les études supérieures, ça se finance. Je te l’accorde. Il faut donc y penser en amont.
Quelques chiffres intéressants : En 2016, selon l’INSEE, voici la répartition moyenne de quelques dépenses de consommation par fonction :
- Logement, chauffage, éclairage : 19,7%
- Transport : 9,9%
- Biens et services divers : 9,1%
- Loisirs culture : 6,4%
- Hôtels, cafés, restaurant : 5,2%
- Habillement : 2,9%
- Alcool, tabac : 2,6%
- Education : 0,7%
Ce qui te choque sans doute est le fait qu’il faille investir dans l’éducation de ses enfants, ce qui n’est pas très courant comme tu le vois sur les chiffres (0,7% du budget pour l’éducation). Mais prenons de la hauteur. Chez MyPrepa, les cours coûtent entre 30 et 40 euros de l’heure environ (voire beaucoup moins lorsque l’étudiant est en difficulté et assiste gratuitement aux séances de niveau inférieur). Ce qui fait certes beaucoup, mais il ne pèse que sur un an voire deux. Pas plus. C’est ensuite un choix des parents. Beaucoup de parents d’étudiants boursiers font appel à MyPrepa. Et ils sont très contents de leur choix. Quand certains préfèrent répartir leur budget en biens et services, loisirs, téléphone, d’autres parents font le choix de limiter certaines dépenses pour préparer l’avenir de leurs enfants. Si tes parents ou toi-même n’avez pas fait ce choix, c’est peut-être plus par « principe » que par réelle impossibilité. En s’organisant, même avec des moyens limités, on peut trouver des solutions pour financer des cours privés. Des bourses existent également. D’autant que grâce à la révolution que l’on a lancée (la LiveClass), nos étudiants ne se déplacent plus et donc n’ont plus de coûts de transport et d’hébergement à assurer (les postes les plus importants du budget des ménages). Ce qui n’est pas le cas quand tu es provincial et que tu viens à Paris pour suivre les stages d’instituts privés parisiens par exemple…
Un autre point important : les profs qui interviennent chez MyPrepa adorent ce métier et la liberté qui l’accompagne. Pour eux, il était inenvisageable d’être exclusivement dans l’Education nationale car ils n’auraient pas eu cette liberté dans les méthodes pédagogiques que nous avons aujourd’hui. Donc qu’aurais-tu fait à notre place ? Donner des cours gratuits ? Quand tu montes en expertise, aurais-tu gardé une rémunération de débutant ? Où aurais-tu mis le curseur ?
L’argument de l’injustice est souvent avancé mais que proposes-tu comme alternative ? Interdire les cours privés ? Ce serait la victoire des familles aisées et cultivées qui feraient jouer leur réseau pour que les enfants aient le soutien le plus adapté quand les familles moins favorisées n’auraient même plus la possibilité de rattraper le retard par recours à des cours privés…
Ou encore, réformer l’Education nationale et assurer les cours de soutien en son sein ? Si tel est ton souhait, il te faudra bien du courage pour faire bouger les lignes et avoir une qualité pédagogique homogène.
Une autre ligne qui pourrait bouger et qui fait débat : celle concernant la rémunération des profs. Un mauvais prof doit-il être aussi bien payé qu’un excellent prof ? Dans l’Education nationale, c’est le cas. Pire, c’est même parfois le contraire : un mauvais prof, parce qu’il est plus âgé, peut gagner bien plus qu’un prof excellent. N’est-ce pas également injuste ? Cette injustice est d’ailleurs l’une des causes de la difficulté à recruter des bons profs : mal payés, pas reconnus pour leur mérite, peu de motivation, déconnexion entre l’excellence de leur formation et les savoirs basiques qu’ils doivent enseigner… Les maux sont nombreux… »
Vous l’aurez compris, l’injustice et les inégalités sont partout. Mais si l’on accepte de consacrer une part plus ou moins grande de son budget à l’éducation, les cours privés de qualité sont une aubaine pour précisément combler les inégalités initiales et multiples dont j’ai parlé. Si l’on vient d’une famille moins aisée, cette part doit sans doute être plus importante et provisionnée plus tôt mais des solutions existent.
Je repense notamment à une mère, Nassera, qui nous a sollicités à plusieurs reprises pour ses 3 enfants et qui a financé les formations MyPrepa en utilisant trois leviers : les mécanismes de bourse associative, les provisions qu’elle avait faites par le passé et des réductions tarifaires que nous proposons à nos étudiants boursiers.
4. Seuls les enfants de riches peuvent se payer des cours privés : FAUX !
C’est totalement faux. De nombreux étudiants boursiers font appel aux instituts de cours privés. Des bourses complémentaires peuvent même parfois financer intégralement un coaching. Avec les mécanismes de déduction fiscale, les cours sont aujourd’hui accessibles au plus grand nombre. Il faut juste accepter d’y consacrer le budget, ce qui n’est pas complètement admis puisque l’école est traditionnellement perçue comme étant gratuite, alors qu’elle est payée évidemment par nos impôts. Certains ont même honte d’en parler à leur entourage… Une chose est sûre : si vous prenez des cours privés, il vaut mieux rester discret, notamment auprès de ses professeurs de prépa qui peuvent évidemment mal le prendre…
5. Les instituts de cours privés surfent sur l’angoisse scolaire : PLUTÔT FAUX
Oui, il y a des instituts dont l’approche marketing consiste à surfer sur l’angoisse de ne pas voir ses enfants réussir. Le nier serait malhonnête. Mais l’immense majorité des instituts de cours privés sont avant tout passionnés par leur mission : éduquer ! Trop d’esprits étriqués pensent encore que les cours privés, c’est le triomphe du capitalisme, de l’argent à tout prix, d’ambitieux qui veulent profiter de la détresse humaine pour s’enrichir.
La réalité est évidemment plus subtile. Les enseignants et directeurs d’établissement qui s’orientent vers le privé y trouvent l’occasion d’exercer leur passion avec une plus grande liberté que dans le public et une rémunération plus en phase avec leur niveau de qualification. D’ailleurs, il n’y a pas toujours opposition car les professeurs du privé enseignent souvent également dans le public. Et comme le privé, par définition, ne bénéficie pas du soutien financier du public, les prestations doivent être payantes pour pouvoir payer les professeurs talentueux et rentabiliser les investissements parfois lourds qui ont été engendrés pour faire connaître l’établissement. Non aidé, non subventionné, un établissement d’enseignement privé est donc de fait une entreprise comme une autre qui, pour survivre, doit avoir plus de recettes que de dépenses afin de rémunérer l’entrepreneur et ses actionnaires éventuels qui ont pris le risque d’investir. Mais n’oubliez pas un point qui me paraît crucial : les directeurs d’établissements privés sont avant tout des passionnés de pédagogie, pas des capitalistes impitoyables !
6. Les prix pratiqués par les instituts de cours privés sont exorbitants : PLUTÔT FAUX
Il faut tout de même avoir quelques grands chiffres en tête : un étudiant de classe prépa coûte environ 15.000 euros à la collectivité (pour en savoir plus : inegalites.fr).
Quand un institut privé propose une scolarité annuelle autour de 12.000 euros, c’est certes un budget conséquent mais qui est pertinent par rapport à ce que cela coûte dans le public et que nos impôts financent.
Par ailleurs, il y a aujourd’hui un tel nombre d’acteurs dans le soutien scolaire privé que les prix pratiqués ne peuvent pas être complètement délirants. Si tel était le cas, les réseaux sociaux se chargeraient rapidement de dénoncer les arnaques.
Les prix pratiqués sont donc le plus souvent en cohérence avec la qualité pédagogique proposée. Pour valider votre choix d’instituts, je vous encourage à en rencontrer plusieurs, à poser des questions, à contacter d’anciens étudiants contents et moins contents. Et vous choisirez alors nécessairement l’institut dont les prix vous semblent en adéquation avec la qualité que vous aurez perçue lors de vos recherches.
7. Les cours privés, ça permet à n’importe quel étudiant d’intégrer une grande école : FAUX !
Cette fois-ci, je vais dans le sens des grands détracteurs des cours privés. Non, les cours privés, ça n’est pas toujours la panacée pour intégrer les Grandes Écoles. Certains ont des blocages trop profonds et pour lesquels l’échelle de temps n’est pas assez longue (deux ou trois en prépa ne suffisent pas lorsque l’étudiant présente un niveau très faible dans toutes les matières). D’autres font appel à des professeurs particuliers ou instituts de cours privés qui ne font pas ce qu’il faut. Une année, j’avais à coacher une étudiante qui était en cube en ECE et qui avait pris deux ans de cours particuliers de maths par un institut de cours qui n’existe plus. Son niveau en maths n’avait pas bougé… On a dû tout reprendre et elle a finalement eu l’ESCP. Voici son témoignage et mon commentaire complémentaire :
Le témoignage d’Inès
Enfin, même quand on a fait ce qu’il fallait et que l’étudiant est prêt, il y a des aléas du concours qui font que parfois surviennent des accidents. Tous les ans, des étudiants loupent les concours alors qu’ils étaient prêts. Même chez MyPrepa malheureusement…
Mais nous partageons une conviction : si un étudiant qui fait appel à nous respecte la stratégie qu’on lui propose, ses chances d’intégrer sont, EN MOYENNE, nettement plus grandes que sans nous. Nous suivons nos statistiques de très près donc cette affirmation n’est pas qu’une promesse : c’est une certitude.
8. La France dérive vers un système à l’américaine ou à la chinoise où une bulle éducative enfle de plus en plus : PLUTÔT FAUX !
Tendanciellement, les dépenses d’éducation en France ont cru légèrement (elles représentaient 0,6% des dépenses des ménages en 2012). Mais, comme dit précédemment, les dépenses d’éducation ne représentent que 0,7% des dépenses de consommation des ménages, ce qui est moins que la moyenne des pays de l’Union Européenne et moins que dans la plupart des grands pays.
Voici quelques données très intéressantes sur le sujet : Isa-conso.fr
On y découvre donc que les dépenses des Français sont surtout plombées par le logement, les transports et les dépenses de santé. Pas par les dépenses éducatives… On est donc encore loin de la dérive à la Coréenne où les dépenses éducatives s’élèvent à 6,7% des dépenses totales des ménages. Dire donc que l’on dérive est donc une contre-vérité.
Même si cela ne concerne pas directement les cours privés en prépa, il convient toutefois de noter que les frais de scolarité de la plupart des écoles de management ont eu tendance à augmenter, ce qui du coup gonfle encore le budget global d’une famille consacré à l’éducation. Mais là encore, les raisons sont multiples. L’article ci-dessous pourra vous éclairer : Etudiant.lefigaro.fr
On reste encore loin des frais de scolarité stratosphériques pratiqués aux Etats-Unis mais il faut toutefois rester vigilants et reconnaître qu’à l’avenir, une part sans doute plus importante du budget des familles devra être consacrée au financement d’études longues.
Bilan : que penser des cours privés ?
A l’issue de ce long article, j’espère qu’à présent la question vous apparaît plus complexe ! Le monde est ainsi : complexe.
Il n’y a pas de vérités absolues sur le sujet, pas de système éducatif idéal, pas de généralité sur les profs, les étudiants, les parents. Il n’y a que des cas particuliers. Et ma pratique de directeur d’établissement privé m’autorise à vous dire que les cours privés répondent à un vrai besoin pour certaines familles quand d’autres connaissent le succès sans recours à une quelconque aide. Il s’agit simplement de comprendre que son cas particulier n’est pas nécessairement transposable à celui du voisin.
Une conviction toutefois. Nos systèmes éducatifs fonctionneraient mieux si l’on arrêtait d’opposer en permanence le public et le privé. Dans certains pays, comme au Chili, des collaborations existent entre les deux pour servir un objectif noble : élever les consciences. Un dossier passionnant sur « private education » est récemment sorti dans l’hebdomadaire The Economist et y défend cette idée : economist.com
Cela change du simplisme qui sévit encore de toutes parts lorsqu’il s’agit d’aborder la question fondamentale de l’éducation de nos enfants.